Des stratégies sur-mesure en faveur du rafraîchissement et de la lutte contre les îlots de chaleur urbain : leçons tirées de nos villes

Retranscription de la conférence du 19 janvier 2024 à Sciences Po (Paris)
Colloque Organic Cities

Auteur
Affiliation

Conception par le Climat & Freio

Date de publication

19 janvier 2024

Modifié

20 mars 2024

Aujourd’hui je vais vous parler de chaleur et d’îlots de chaleur. Je vous demande un peu d’imagination : vous vous rappelez du mois de juillet ou du mois d’août que l’on a vécu l’année dernière. Nous allons parler de stratégies de rafraîchissement que l’on peut mettre en place sur mesure dans certaines villes et je vais vous parler notamment du cas d’Arles qui est une ville patrimoniale.

Tout d’abord, pour me présenter, j’ai un petit bureau d’études qui s’appelle Freio. Je suis urbaniste, designer et je travaille justement sur ce que l’on appelle la conception bioclimatique — c’est-à-dire la prise en compte du climat — et j’essaie de travailler à toutes les échelles, de l’échelle urbaine jusqu’à l’échelle de l’aménagement intérieur, car il faut se dire aussi que le mobilier et l’aménagement intérieur ont un rôle quand on veut s’adapter à la chaleur. Je travaille également sur les sujets de low-tech, sujets à la mode, ce sont des stratégies que j’essaie d’intégrer.

1 Qu’est-ce que l’îlot de chaleur urbain (ICU) ?

J’ai fait un doctorat sur l’histoire de la conception bioclimatique et l’idée, justement, est de partir de l’histoire. Nous avons un patrimoine de stratégie de chauffage et de rafraîchissement naturel que l’on a perdu et j’essaie donc, dans ma thèse, de reconstituer l’histoire de ce patrimoine.

Je vais d’abord présenter la notion d’îlot de chaleur urbain. En fait, cette notion désigne le fait que les températures de l’air sont globalement plus élevées dans les zones urbanisées que dans les zones plutôt rurales. C’est la définition générale et basique de l’îlot de chaleur urbain.

Figure 1

On observe une corrélation assez nette entre ce phénomène d’îlot de chaleur urbain et la population. C’est ce que montre le graphique de gauche en ce qui concerne les villes européennes.

Plus vous allez avoir une population importante, plus cette différence de température maximale va être élevée. C’est ce que montre ce graphique à gauche. Pour d’autres types de villes dans d’autres climats, cette corrélation n’existe pas forcément. On l’observe surtout à l’échelle européenne. Donc il faut se dire que dans l’ensemble, plus une ville va être peuplée, plus l’intensité d’îlot de chaleur va être important.

Figure 2

Les causes de l’îlot de chaleur sont multiples, mais la principale va vraiment être liée au fait que dans un milieu naturel, dans un milieu rural, vous allez avoir de l’évapotranspiration. Vous allez avoir des surfaces enherbées, des surfaces végétalisées plantées qui vont évapotranspirer de l’eau. Et donc en journée, quand vous avez une quantité d’ensoleillement qui arrive sur une surface, celle-ci va être convertie en chaleur latente par l’évaporation. Les températures de surface vont donc être naturellement abaissées.

En ville, au contraire, vous avez une surface qui est complètement minéralisée et vous allez piéger cette chaleur, qui va être captée, accumulée. C’est ce que l’on peut voir sur la partie droite du schéma ci-dessus. La chaleur va être stockée dans la ville au fur et à mesure.

La nuit, cette chaleur va être restituée dans l’espace urbain et c’est vraiment l’inertie thermique des matériaux minéraux de la ville qui va participer à cet effet d’îlot de chaleur. Alors que, à la campagne, vu que l’évapotranspiration était active toute la journée, cet effet de stockage de la chaleur n’existe pas.

Le phénomène d’îlot de chaleur urbain est donc essentiellement un phénomène nocturne.

Figure 3

Sur le graphique ci-dessus, on distingue vraiment bien les variations de température de l’air, en tirets, et de surface, en ligne pleine. La journée, on va parler plutôt de surchauffe urbaine. Quand vous avez des gens qui vous montrent les températures de surface élevées en journée, il faut vous dire que c’est juste de la surchauffe urbaine. La température de l’air, comme on peut le voir sur le graphique est assez stable pendant la journée. Par contre, la nuit, nous avons vraiment ce phénomène d’îlot de chaleur car ces surfaces minéralisées vont restituer la chaleur à l’espace ambiant, et nous allons voir cette grande différence de température justement entre la ville et la campagne. C’est vraiment cela l’îlot de chaleur : un phénomène essentiellement nocturne. C’est quelque chose qui est important à retenir. Pourquoi c’est important ? Parce que c’est justement en période de canicule, que ce phénomène d’îlot de chaleur va venir accentuer les problèmes et va notamment affecter la qualité du sommeil avec toutes les conséquences sur la fatigue des habitants.

Ce qui est fondamental, c’est qu’en climatologie, surtout en microclimatologie, il faut distinguer quatre grandes échelles de climat.

  • Le climat qui va être étudié par le GIEC, celui qui va être modélisé, c’est à dire, le climat global, c’est le climat des grandes circulations atmosphériques ;
  • À une échelle plus basse, il y a ce qu’on appelle les climats régionaux. Des climats qui vont avoir des échelles de plusieurs milliers de kilomètres. Par exemple, le climat méditerranéen, c’est un climat d’échelle régionale ;
  • À une échelle inférieure, il y a ce que l’on appelle les climats locaux. Ces climats locaux, par exemple Paris. C’est à dire qu’on a l’échelle de la dizaine, voire de la centaine de kilomètres ;
  • Nous, nous vivons dans des microclimats. Ici, vous avez un microclimat qui est différent de la cour qui est juste à côté. En tant que concepteur, notre travail est de transformer des microclimats.

Le paradoxe aujourd’hui, c’est que le phénomène d’îlots de chaleur se situe à l’échelle du climat local. Et nous, nos modes d’action, en tant que petit être humain, se situent à l’échelle du microclimat. Il y a donc cette tension entre microclimat et climat local. Cela pose des questions en termes de moyens. Nous parlions de végétalisation : si je veux lutter contre l’îlot de chaleur, il faut une végétalisation qui soit à l’échelle du climat local, donc à l’échelle de la centaine de kilomètres. Globalement, je remplace ma ville par une forêt, c’est extrêmement simple. Par contre, à l’échelle du microclimat, la stratégie que je vais avoir, va justement plutôt être de travailler sur le confort thermique. Par exemple une pergola qui permet d’ombrager et de créer du confort thermique.

Figure 4

Ce qui est important à retenir, c’est que lorsque l’on parle de rafraîchissement urbain, il en existe quatre pôles.

D’abord, tout ce qui va concerner le confort thermique extérieur, c’est ce qu’on voit à gauche. Confort thermique extérieur en journée : on va ombrager. Confort thermique plutôt nocturne : on va limiter le stockage de la chaleur.

À droite, vous avez le confort thermique intérieur. C’est comment faire en sorte d’améliorer le confort thermique intérieur des habitations et des bâtiments. Nous allons pouvoir distinguer ce qui se passe en journée de ce qui se passe la nuit. On a toujours ces quatre pôles sur lesquels travailler. Quand vous entendez rafraîchissement urbain, posez-vous la question de savoir de quoi on parle, de quel rafraîchissement urbain finalement.

Un exemple : on a beaucoup entendu parler de l’albédo. Effectivement, aujourd’hui, il y a des choses qui sont testées quant à ce sujet, comme les trottoirs clairs. On voit ça en Californie, on voit ça aussi à Lyon. Sauf que le problème de ces trottoirs clairs, c’est qu’ils vont dégrader le confort thermique la journée. Pourquoi ? Parce que vous allez avoir des apports solaires qui vont être réfléchis par le sol et en fait, en journée, vous allez dégrader votre confort thermique. À l’inverse, la nuit, effectivement, cela va empêcher de stocker la chaleur, et donc améliorer votre confort thermique extérieur nocturne. Cette différence est très importante.

2 Les stratégies vernaculaires de rafraîchissement

Comment peut-on travailler justement sur cette stratégie de rafraîchissement ? La chose la plus importante pour une ville concerne la protection mutuelle des façades. C’est le fait qu’en ville, les façades vont se protéger entre elles. Ce phénomène revêt un rôle important.

Figure 5

À gauche, vous avez une image de Marrakech et à droite, vous avez une image d’Arles, dont je parlerai tout à l’heure. La protection mutuelle des façades va être importante en termes de morphologie urbaine.

Figure 6

À gauche, vous avez l’Avenue de France, à Paris, et à droite, vous avez une traboule lyonnaise. Ce sont deux typologies urbaines très différentes. À gauche, nous avons une dégradation en termes de confort thermique, tandis qu’à droite, il est possible de marcher à l’ombre. Il y a cet effet d’ombrage porté sur les piétons. Il y a aussi, bien sûr, les stratégies de plantation, de végétalisation, qu’évoquait juste avant Thomas Hanss.

Figure 7

Effectivement, on peut ombrager les rues avec ce genre de stratégie. Donc vous avez ici des pergolas, des dispositifs plantés, qui sont très utiles pour améliorer le confort thermique. Bien sûr aussi, l’arbre, la place de l’arbre en ville est très importante. Ici, vous avez une image de platanes. Les platanes, dans le sud de la France sont très utile car effectivement, ils ont une grande porosité visuelle pendant l’hiver, tandis que l’été, l’ombrage va être important et va permettre d’ombrager, d’apporter du confort thermique extérieur. La question aussi de la place de l’eau est déterminante car elle va jouer énormément sur le rafraîchissement, sur l’évapotranspiration.

Figure 8

À gauche, vous avez des canaux qui peuvent exister dans les rues et à droite plutôt des fontaines, une manière artificielle de ramener de l’eau dans les villes.

Figure 9

Une solution très intéressante, que vous pouvez trouver dans les villes anciennes, notamment à Nice et qui existe aussi au Japon, c’est l’idée d’arroser les rues le soir. À droite, vous voyez une coupe de principe. L’idée, était dans les ruelles du Vieux Nice, d’arroser les rues de part et d’autre et de créer des courants d’air, des aspirations par effet de cheminée pour faire en sorte de rafraîchir les bâtiments naturellement. Tout cela était permis grâce à des dispositifs intéressants, des systèmes de claustras, d’impostes ventilables, etc., afin de favoriser ces courants d’air.

Figure 10

D’autres stratégies existent dans des pays bien sûr plus au sud. Ici, vous avez ce qu’on appelle un Madyafa, c’est ce qui existait en Egypte et qui permettait de favoriser la ventilation extérieure par un système d’aspiration. On crée ce qu’on appelle un effet Venturi qui va favoriser le confort thermique des piétons. J’essaie de redévelopper ce genre de dispositifs dans le cadre de prototypes mais je n’ai pas encore confirmation de leur efficacité.

3 Le potentiel des centres anciens : l’exemple d’Arles

Figure 11

Je voulais prendre l’exemple d’Arles à propos de ces centres anciens, pour illustrer comment on peut rafraîchir les villes à partir du patrimoine existant. Arles est une ville marquée par un patrimoine issu majoritairement de l’Antiquité et dont le centre historique est protégé par un PSMV. C’est une ville qui a une morphologie urbaine qui est extrêmement dense, avec assez peu de couverts végétaux. On voit au sud une grande allée d’arbres qui est importante, qui est historique. Par contre, vous voyez que l’on n’a pas énormément de grands éléments végétaux marquants.

Figure 12

Si l’on regarde des simulations d’ensoleillement, on voit qu’Arles est plutôt confortable pendant la journée. Pourquoi ? Parce que vous avez cette morphologie dense qui va permettre d’ombrager les rues et de favoriser le confort thermique extérieur.

Figure 13

Par contre, la nuit, le fait d’avoir cette morphologie très dense, va créer ce qu’on appelle les pièges de chaleur. Ci-dessus nous avons une simulation qui montre ce que l’on appelle le “Sky View Factor”, le facteur de vue du ciel, et qui illustre qu’en fait, les zones les plus sombres sont celles qui vont justement avoir du mal à se refroidir. Donc, on a ce paradoxe que vous voyez : en journée, effectivement, on peut marcher à l’ombre, on a du confort thermique. Par contre, pendant la nuit, cette morphologie urbaine va aggraver l’effet d’îlots de chaleur et va piéger la chaleur et contribuer à aggraver l’inconfort thermique nocturne. Cela est confirmé par des mesures qui ont été réalisées cet été.

Figure 14

À gauche, vous avez des mesures de température de surface qui ont été faites le 24 août à 1h du matin, 1h du matin je précise bien, et nous avons la température de surface qui varie entre 25 et 40 degrés. Les points rouges que vous voyez, ce sont des rejets de climatiseurs notamment. Et là, pour vous dire, on a une température de l’air qui est encore de 29 degrés. Donc, en termes de seuil de canicule, on est vraiment en plein dedans. Ce que vous voyez à gauche, ce sont des mesures qui, valident la simulation du Sky View Factor.

Figure 15

On a aussi des problèmes à Arles avec des bâtiments qui ont été démolis. Donc là, vous voyez une dent creuse qui était située justement entre l’amphithéâtre qui est tout en haut et un autre bâtiment patrimonial qui est plus au sud. Et le problème qu’on a, c’est qu’ici, il y avait la présence de bâtiments qui ont été démolis dans les années 50. Cela crée des places qui sont extrêmement ensoleillées. Cette simulation montre le cumul d’ensoleillement sur la période de chauffe. C’est une zone qui n’est pas du tout plantée. Pour l’instant, c’est juste un parking.

Figure 16

Une stratégie que j’adopte personnellement, c’est d’aller voir l’histoire. Ci-dessus, vous avez une peinture qui représente la ville d’Avignon entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Je n’ai pas réussi à la dater précisément. Ce qui est très intéressant, c’est que l’on voit que traditionnellement, il y avait dans la ville provençale des éléments qui s’étendent, des draps, qui permettaient en fait de créer de l’ombrage, d’ombrager les façades et d’ombrager aussi les piétons. Ce qui est très intéressant, c’est de se dire qu’en fait, nous avions ces solutions-là qui ont été documentées effectivement par certains peintres et que l’on retrouve aussi sur de vieilles cartes postales. Personnellement, j’utilise beaucoup d’anciennes cartes postales pour travailler.

Figure 17

Là, nous sommes à Arles, c’est une poissonnerie. Il faut dire qu’à l’époque, il n’y a pas de climatiseur, pas de système de rafraîchissement pour cette poissonnerie. Il y a donc des protections solaires verticales qui sont positionnées devant la façade. Une espèce de grand drap tendu. Et nous observons, là-haut, des systèmes de ventilation de la sous-face de la toiture qui sont ouverts sur la partie ombragée, tandis sue sur la partie au soleil ils sont fermés. Sur cet exemple-là, nous constatons une synthèse de dispositifs de rafraîchissement qui permettent de lutter passivement contre les effets de la chaleur.

Figure 18

Dans d’autres images apparaissent ce que l’on appelle les marquises, que l’on pouvait voir le long de la rue et qui permettaient aux gens de marcher à l’ombre. Ce sont des dispositifs qui ont disparu avec le développement de la climatisation, notamment dans les magasins. Ici, nous les voyons avec leurs grandes toiles déployées.

Figure 19
Figure 20

Un autre problème important concerne la disparition du patrimoine arboré. Vous avez, par exemple, cette carte postale ancienne qui montre la présence d’alignements de platanes, aujourd’hui disparus.

Je n’ai pas de données sur Arles, mais j’ai des données qui proviennent de Marseille. En 75 ans, à Marseille, 50% des arbres plantés dans l’espace public ont été abattus. Ce sont des données qui sont vraiment colossales. Nous sommes passés, à peu près, de 50’000 à 25’000 arbres. Cette carte postale documente aussi la disparition d’un certain patrimoine arboré qui avait, pourtant, une importance en termes de confort thermique extérieur. Il faut néanmoins rappeler que les espaces publics ne concentrent qu’une petite partie des zones plantées dans les villes.

4 Rafraîchir les villes à partir de l’existant

Comment peut-on faire pour travailler à partir de l’existant ?

Figure 21

Je prends toujours le cas d’Arles. C’est un projet qui est encore en cours, c’est pour cela qu’il n’est pas encore extrêmement structuré. Il s’agit d’un projet que je mène avec des architectes (Atelier MARE et Atelier Géminé), avec des bureaux d’études environnement (DOMENE Scop), avec des botanistes (Véronique Mure) et des associations (Atelier 21). Nous nous sommes demandé comment nous pouvions travailler à partir de cette ville pour essayer de la rafraîchir ?

Figure 22

Le problème que l’on a, à Arles, que l’on retrouve dans beaucoup de villes patrimoniales, c’est ce que vous voyez à droite, le sol ne permet pas de planter. Pourquoi ? Parce que vous avez des réseaux qui passent et, particularité d’Arles, également des vestiges archéologiques. Vous avez des anciennes tombes, des morceaux de murs, qui font que, si l’on commence à planter, des arbres peuvent venir dégrader ces vestiges. Un autre problème vraiment spécifique à Arles, concerne la présence de caves qui ont été creusées illégalement sous la chaussée. Donc, pareil : si l’on vient planter ici, on risque de se retrouver avec des caves qui vont être inondées ou avec des racines qui vont sortir, etc.

Figure 23

Nous devons donc travailler plutôt sur la surface, avec d’autres stratégies que celles de plantation. Une manière de travailler est d’utiliser des éléments naturels. Nous avons choisi d’utiliser le vent. En regardant la rose des vents du mois de juillet, on voit qu’il y a effectivement le Mistral, cette grande ligne que vous voyez qui vient du nord. Il y a également un vent du sud que l’on appelle le marin, qui permet de ventiler certaines rues. Certains noms de rues documentent, d’ailleurs, la présence de ce vent comme la rue de la Porte de Laure — le « Laure » étant le nom vernaculaire du vent du sud, à Arles. Le nom de certaines rues indique leur ventilation.

Figure 24
Figure 25

À noter également est le passage d’un canal enterré, nommé le canal de Craponne, qui est un canal qui sert à irriguer toute la plaine de Crau à côté d’Arles. Celui-ci pourrait être une source potentielle de rafraîchissement. L’idée principale du projet serait d’ouvrir ce canal à ce niveau-là, donc la zone qui est entourée, et profiter de ces vents du sud qui vont permettre de transporter la fraîcheur jusque dans les parties plus au nord de la ville.

Figure 26

Ce que vous voyez ici, c’est le principe général sur une des avenues principales d’Arles. Vous avez, à droite, le canal de Craponne ouvert qui va servir de puits de fraîcheur, et à gauche, une place principale d’Arles, la place de la République, qui est un point chaud. Et donc, soit l’on bénéficie des vents du sud pour faire remonter cette fraîcheur, soit l’on va bénéficier des brises thermiques locales qui vont être créées par cette différence de température. Cela va permettre de faire remonter de la fraîcheur le long de cet axe que vous voyez, l’axe nord-sud. L’un des principaux points de ce travail en cours est l’ouverture du canal de Craponne pour créer une source de fraîcheur que l’on va ensuite exploiter dans la ville sous l’action du vent du sud ou des brises.

Figure 27

Une autre solution, repose sur la documentation des îlots de fraîcheur existants, c’est-à-dire des cours qui sont ont un pouvoir d’action efficaces. Nous avons effectivement réalisé des recherches sur les cours qui marchaient bien. Nous avons ici la cour d’une distillerie qui fonctionne vraiment comme un patio avec deux muriers à feuilles de platane qui servent à ombrager. Les importantes surfaces minérales vont permettre de conserver la fraîcheur. Il y a aussi des remontées capillaires, donc des remontées d’eau, qui renforcent l’effet d’évaporation. Cette petite cour fonctionne comme un puits de fraîcheur.

Figure 28

Elle exploite une technique que l’on connaît dans les milieux arides : la technique du patio. On voit à gauche les principes du patio, soit une petite cour qui va pouvoir stocker de la fraîcheur et des versants de toiture donnant sur cette cour orientée vers l’intérieur comme on peut le voir sur le schéma de droite. Ainsi, lorsque vous n’avez pas de vent, les toitures qui vont se refroidir vont permettre à l’air plus froid de couler jusqu’au fond de la cour. Celle-ci va alors véritablement fonctionner comme un puits de fraîcheur, un piège à fraîcheur. Et ça, c’est un détail architectural qui a une grande importance. L’orientation des toitures va jouer sur le stockage de la fraîcheur.

Enfin, un autre élément important à plus petite échelle, c’est la présence des caves que j’évoquais préalablement, qui donnent sur les rues grâce à des soupiraux. Et ce qui est important, c’est que ces caves ont une température de l’air qui varie entre 15 et 20 degrés toute l’année. Donc, en été, elles peuvent être une source de fraîcheur. Et à proximité de ces soupiraux, on peut installer des mobiliers pour signaler aux passants qu’effectivement là, se trouve une zone qui agit comme une paroi froide et qui peut servir de source de fraîcheur.

Figure 29

Une dernière chose, qui est plutôt en lien avec le patrimoine. Nous avons vu dans de vieilles peintures d’Arles la présence de petits crochets devant des ouvertures. On ne savait pas vraiment ce que c’était. Et en documentant au fur et à mesure, nous nous sommes rendus compte, qu’en fait, il s’agissait de protections solaires qui étaient suspendues.

Figure 30

C’est ce que l’on appelle les stores en Sparte. Ce sont des stores faits avec des essences plutôt locales de roseau, qui étaient suspendues comme ça devant les fenêtres sur des orientations plutôt Ouest et qui permettaient de faire des ombrages assez facilement. Une de nos pistes serait de redévelopper ce type de protection solaire parce qu’il a un intérêt patrimonial et que cela permet de valoriser un savoir-faire local.

Je voulais conclure par une phrase, que j’aime beaucoup, d’un philosophe qui s’appelle Gilbert Simondon qui dit ceci : « il faut apprendre non seulement à inventer du nouveau mais à réinsérer l’ancien et le réactualiser pour en faire un présent sous l’appel de l’avenir ». Personnellement c’est mon approche des choses, c’est-à-dire mobiliser l’histoire pour essayer de travailler à résoudre les problèmes futurs.

Réutilisation

Citation

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Veuillez citer ce travail comme suit :
Gaillard, C. (2024, January 19). Des stratégies sur-mesure en faveur du rafraîchissement et de la lutte contre les îlots de chaleur urbain : leçons tirées de nos villes. Organic Cities, Paris. Sciences Po & Villes Vivantes. https://papers.organiccities.co/des-strategies-sur-mesure-en-faveur-du-rafraichissement-et-de-la-lutte-contre-les-ilots-de-chaleur-urbain-lecons-tirees-de-nos-villes.html