Dynamiser, par la maison individuelle, le projet urbain des quartiers nord de Clermont-Ferrand via le projet BAMBA

Retranscription de la conférence du 18 janvier 2024 à l’Institut de France (Paris)
Colloque Organic Cities

Auteur
Affiliation

Maire Adjoint de Clermont-Ferrand

Date de publication

18 janvier 2024

Modifié

20 mars 2024

Comme adjoint au Maire d’une métropole qui essaie de se poser des questions en matière d’rubanisme, je voulais commencer mon propos en saluant le travail de Villes Vivantes qui fête ses dix ans. Cette belle équipe nous a déjà beaucoup apporté et dynamise utilement le débat urbain français.

Figure 1

Je vais donc vous parler du territoire de la Grande Plaine à Clermont Ferrand et plus précisément du projet BAMBA qui, depuis l’an dernier, est le premier démonstrateur français de la ville durable à entrer en phase de réalisation.

Figure 2

Nous sommes situés au pied des volcans au nord de Clermont Ferrand, en limite avec la plaine maraîchère du Bédat sur les franges de la ville. Ce sont des quartiers marqués par la présence majoritaire d’habitat social. Ces quartiers nord — Croix-de-Neyrat, Champratel et Les Vergnes — se sont développés dans les années 60-70 et sont desservis par le tramway depuis maintenant presque 20 ans. Cette évolution de la mobilité a changé leur destin : de la marge ils se retrouvent très connectés avec le système urbain clermontois, et notamment aux grandes zones d’emplois.

Figure 3

Sur ce plan vous voyez ce qui reste de l’ancien quartier de Champratel : les tours qui sont à l’ouest. La Grande Plaine s’est développée à l’est et au sud et le projet Bamba vient parachever la dynamique de l’écoquartier qui était un peu en panne il y a dix ans. C’est un point clé car si aujourd’hui on est dans une situation où l’on doit chercher des modèles différents, c’est bien aussi parce que les façons habituelles de faire ont atteint leur limite. Nous sommes donc dans ce moment à la fois très difficile mais quand même, admettons le, assez passionnant, où l’on essaie d’inventer des solutions nouvelles.

Pourquoi cela ne marchait pas ? Certainement parce que les quartiers nord de Clermont, du fait de la présence importante de logements locatifs sociaux restent peu attractifs. Même en développant des logements collectifs de très bonne facture, de belles architectures, des logements efficaces sur le plan thermique, très confortables avec des extérieurs très agréables, nous n’arrivions pas forcément, sur des modalités classiques, à vendre ces logements. On s’est même retrouvé à devoir accepter, ce qui était un petit peu absurde par rapport au point de départ, qu’un certain nombre d’opérations prévues en accession libre soient rachetées par des bailleurs sociaux pour occuper ces logements qui ne se vendaient pas. C’est comme cela qu’on est finalement arrivé à se dire que, si nous voulions vraiment changer le destin de ce quartier, il fallait trouver une autre façon de faire.

Figure 4

Devenu adjoint en 2014, c’est lors de mon premier mandat qu’on a décidé d’aller vers une nouvelle stratégie et qu’on a rencontré Villes Vivantes. Ils nous ont proposé le concept BAMBA qu’on a travaillé ensemble pour arriver à ce projet. Dans la même dynamique, nous avons obtenu la labellisation « éco quartier ». Nous avons cherché l’excellence environnementale urbaine mais aussi une façon radicalement différente de penser la fabrique de la ville. Pour cette raison, l’an dernier, le projet a été distingué comme démonstrateur de la ville durable. Si le concept est disruptif, c’est parce qu’il s’agit d’une opération d’aménagement où les futurs habitants sont les seuls maîtres d’ouvrage de leur logement.

Figure 5

C’est-à-dire que c’est un vaste quartier d’auto-promotion où les lots ne sont pas découpés a priori mais sur mesure dans le dialogue avec les futurs habitants. Les lots leur seront vendus directement par la ville mais libres de constructeurs. Chaque maison est donc unique, adaptée à la fois aux moyens des personnes, à leurs désirs, à leurs besoins.

Ce que nous nous apportons avec Villes Vivantes c’est un accompagnement architectural technique et paysager des familles pour qu’elles se projettent dans ce quartier. Des terrains sur mesure où chaque habitant est accompagné, des terrains à prix abordable pour favoriser la mixité sociale à l’échelle du quartier et de la métropole. Plus finement, une diversité qui va se construire aussi à l’échelle de l’îlot avec cette trame souple qui permet d’accueillir des terrains à bâtir individuels, au cœur de la programmation mais aussi et ce sont des champs que l’on souhaite vraiment activer, de l’habitat participatif, pourquoi pas un peu d’investissement locatif, et puis des formes de cohabitation intergénérationnelle. Cela donne donc une conception progressive du quartier où ces différents éléments s’assemblent pour faire « quartier » progressivement.

Figure 6

Ces cartes postales illustrent le fait que l’on s’adresse à des cibles extrêmement différentes sur le plan sociologique, que chacun peut trouver dans BAMBA la réalisation de son projet d’habitat. Une des questions que l’on doit se poser est celle d’où seraient allés ces habitants s’ils n’étaient pas venus ici ? C’est ça, la « clé carbone » de ce projet : éviter que ces gens qui, dans toutes nos métropoles, partent de plus en plus loin pour trouver des terrains moins chers parce qu’ils veulent construire une maison individuelle avec jardin se trouvent ensuite extrêmement dépendant de la voiture individuelle. Nous avons à Clermont-Ferrand un bassin d’emploi très important. Ce que nous proposons donc potentiellement c’est évidemment un habitat proche de son lieu de travail et des transports collectifs pour permettre de s’y rendre.

Figure 7

Pour une telle opération, il faut beaucoup investir dans la communication et le faire, là aussi, d’une façon peut-être un peu différente de ce que fait communément la ville. Les équipes de Villes Vivantes ont réussi à toucher les gens sur des lieux un peu singuliers comme ici, place de Jaude, en plein cœur de Clermont, avec ce stand où les gens, un peu étonnés, sont venus découvrir le projet BAMBA à l’aide de casques de réalité virtuelle ; l’idée étant de faire tomber la représentation de ce que peut-être un habitat individuel dense avec des maisons mitoyennes, puisque c’est de cela dont il s’agit, et que les gens se rendent compte que cela peut produire de très beaux espaces, voire des espaces assez grands sur des parcelles qui, par contre, peuvent être de taille relativement modeste. Nous avions un petit jeu où les gens devaient notamment deviner la taille de la parcelle et évidemment elle était beaucoup plus petite qu’attendu, celle-ci faisait 180 mètres carrés ou quelque chose de cet ordre-là, en tout cas c’était une petite parcelle par rapport à l’image que les gens pouvaient avoir du terrain nécessaire pour construire une maison.

Nous avons travaillé sur la rédaction d’un appel à porteurs de projets et d’un règlement qui formalisent des innovations impliquant les notaires et les professionnels de l’aménagement. Il a fallu inventer de nouvelles modalités dans la perspective de créer un quartier par ses habitants, puisque finalement c’est eux qui déterminent le plan masse. En tant que collectivité, il nous a fallu perdre l’habitude de vouloir tout contrôler et plutôt se mettre dans une posture d’accompagnement. Une grande diversité de projets sont possibles, au sein de six implantations cadrantes et qui permettent de fabriquer, selon nous, à la fois une réponse individualisée aux besoins et une forme d’harmonie future du quartier. En tout cas, c’est le pari que nous faisons.

Figure 8

Nous apportons également des bonus du point de vue des futurs habitants qui apprécient, par exemple, que l’on vienne financer des plantations ou la clôture. Ces éléments sont aussi des gages de qualité urbaine. Je pense que tout le monde dans la salle sait, par expérience, que c’est souvent cette question de la clôture qui peut être une catastrophe en termes de paysage urbain dans de nombreux quartiers et que si celle-ci est au contraire pensée à travers ce travail par la collectivité et mise en œuvre par la collectivité elle-même, c’est un gage de qualité urbaine pour le quartier. Nous sommes ici sur des aménagements qui sont conformes aux standards de l’éco-quartier, avec notamment l’usage de clôture en bastaing bois bois avec des principes de haies, des typologies de végétaux spécifiques.

Figure 9

La question du prix de vente est tout à fait stratégique : il fallait être assez attractif (la tranche 1 correspond à un prix assez faible par rapport à ce qui se vend dans le grand Clermont) et nous avons raisonné selon une logique inversée : puisque nous visons la sobriété foncière et donc contrairement à ce qui se pratique naturellement sur le marché et bien dans BAMBA, plus le terrain est petit, moins il est cher au mètre carré. Ainsi, la première tranche est à 230 euros TTC du mètre carré. Plus vous allez acheter un terrain grand et plus les mètres carrés supplémentaires vont coûter cher, ce qui participe à travailler cette question de la sobriété foncière dans l’accompagnement des personnes. Ce n’est pas intuitif pour la collectivité ni pour les particuliers, mais on peut l’expliquer et y compris avec une approche d’intérêt général. Dans les faits, la parcelle moyenne fait autour de 200 mètres carrés elle est vendue moins de 50’000 euros.

Figure 10

La mesure de l’impact carbone lié aux trajets domicile-travail à l’échelle du grand territoire, permet de valider l’hypothèse de départ : en proposant, à cinq minutes à pied du tramway, un tel projet on évite sur le long terme des quantités significatives d’émissions.

Nous sommes aujourd’hui à 30% de commercialisation de la première phase, ce qui nous permet déjà de partager avec vous quelques données. Nous avons rencontré plus de 300 porteurs de projets, nous avons 30 terrains à bâtir déjà réservés et ce qui est intéressant c’est que la surface moyenne d’un lot est de 189 m² avec une densité nette de 55 logements par hectare. Aussi, si je reviens sur le projet d’éco-quartier, nous ne sommes pas si loin de la cible qui était celle du projet d’habitat collectif des premiers temps. Il y a en fait un peu plus d’habitants en moyenne par logement puisque, ici, nous sommes à 2.7 ce qui fait une densité nette de 146 habitants par hectare.

Figure 11

Une autre chose extrêmement importante pour nous, c’est que presque la moitié des porteurs de projets sont issus du parc locatif social, c’est le signe d’une réussite en termes d’accompagnement de la trajectoire résidentielle. Cela représente l’une des principales difficultés en France car nous avons très peu de locataires du parc social qui parviennent à en sortir pour aller vers de l’accession à la propriété dans le neuf. Pourtant, c’est ce qu’on arrive à faire avec un projet comme BAMBA. Surtout, ces porteurs de projets ne sont pas tous seuls, puisque l’autre moitié va permettre une forme de mixité sociale au sein de l’îlot.

28% des ménages sont des primo-accédants de moins de 30 ans. Là aussi, dans le neuf, cela représente des chiffres tout à fait intéressants puisque l’on s’aperçoit qu’on arrive à toucher ces publics de jeunes actifs avec enfants (ou bientôt) qui justement étaient ceux qui quittaient le territoire urbain de la métropole pour s’éloigner en deuxième ou troisième couronne depuis des années.

Autre élément : ce modèle permet de proposer un produit extrêmement abordable puisqu’on est à 200’000 euros pour un budget moyen, tout compris, terrain plus maison, ce qui revient à moins de 2’000 euros/m2, là où le marché clermontois, qui a complètement explosé ces dernières années du fait des dynamiques immobilières, est passé à plus de 4’000 euros/m2 pour le logement collectif neuf vendu par la promotion.

Petit symbole et clin d’œil clermontois, le premier chantier à se lancer est celui d’un coach sportif de l’ASM et, chose inattendue pour nous, il y a un peu de mixité fonctionnelle alors que nous pensions être sur un lot très résidentiel (nous pensions la mixité fonctionnelle plutôt à l’échelle du quartier) puisqu’il y fait aussi un local professionnel en même temps que son logement familial.

Réutilisation

Citation

BibTeX
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Veuillez citer ce travail comme suit :
Bernard, G. (2024, January 18). Dynamiser, par la maison individuelle, le projet urbain des quartiers nord de Clermont-Ferrand via le projet BAMBA. Organic Cities, Paris. Sciences Po & Villes Vivantes. https://papers.organiccities.co/dynamiser-par-la-maison-individuelle-le-projet-urbain-des-quartiers-nord-de-clermont-ferrand-via-le-projet-bamba.html